Film en compétition au Festival de Cannes 2017
Synopsis du film :
À Paris, en 1880, Auguste Rodin (Vincent Lindon) reçoit enfin à 40 ans sa première commande de l’Etat : ce sera La Porte de L’Enfer composée de figurines dont certaines feront sa gloire comme le Baiser et le Penseur. Il rencontre alors la jeune Camille Claudel (Izïa Higelin), son élève la plus douée qui devient vite son assistante, puis sa maîtresse. Dix ans de passion, mais également dix ans d’admiration commune et de complicité, jusqu’à la douloureuse rupture.
Ecrit et réalisé par Jacques Doillon, ce film revient sur la vie et les oeuvres de Rodin, artiste du XIXème qui a ouvert la voie vers la sculpture moderne, et tout particulièrement sa relation avec Camille Claudel. Alors que nous fêtons cette année le centenaire de la mort de cet artiste d’exception, attardons-nous sur ce biopic qui fut, pour moi, une immense déception.
La passion désincarnée
Des dialogues surécrits, une narration surfaite, des personnages surfaux. Vincent Lindon muré dans sa barbe, le regard ne s’anime d’une étincelle de présence que lorsqu’il sculpte en silence – et encore. Izïa Higelin fraîche et belle, mais fausse. Les autres, totalement oubliables et oubliés. Je plains ces acteurs empêtrés dans ces dialogues chiqué, tantôt ennuyeux, tantôt si grotesques que cela en devient ridicule.
Nous voyons des acteurs tourner autour des chefs d’œuvre de Rodin, le Baiser, son Balzac… en vanter la beauté, la vivacité, la puissance, sans que jamais elle ne nous soit montrée. Nous voyons des corps de femmes nues, des formes de marbre et d’argile, mais la réalisation clinique et froide nous tient à distance de la chair si célébrée à tort et à travers par Vincent Lindon – quand on arrive à comprendre ses marmonnements dans sa barbe.
Le personnage de Camille Claudel, présenté comme l’élément déclencheur de toute l’intrigue dans le synopsis et la bande-annonce, reste dans l’ombre de Rodin, tout juste présente pour se planter devant ses sculptures, bras croisés avec un joli sourire, et dérouler des analyses métaphoriques. Sa folie est à peine évoquée, pas du tout montrée, sa relation avec Rodin se veut passionnelle mais on y croit peu. Cette exceptionnelle femme de l’ombre, que le film de 1988 avait faite redécouvrir au grand public (avec Isabelle Adjani et Gérard Depardieu), redevient ici ce qu’elle avait refusé d’être : une figurante, artiste talentueuse mais ignorée, puis oubliée de tous.
Le film veut nous vendre un artiste passionné aux œuvres si pleines de vie qu’elles choquent et dérangent ; on aboutit à un film-autopsie d’une froideur mortuaire, dénué d’empathie pour les personnages, statues dans un désert de manque d’imagination.
L’art, grand absent du film
Pour parler en toute sincérité, j’ai peine à appeler Rodin un film, tant j’ai eu l’impression d’être pendant deux (longues) heures face à une coquille vide d’implication émotionnelle de la part de l’équipe.
La mise en scène est plate, le montage sans imagination (jeu à boire : à chaque fondu au noir entre chaque scène, buvez un shot), les acteurs font ce qu’ils peuvent avec le texte qu’on leur a donné. Le principe du Show, Don’t Tell ( »Montrez, ne racontez pas ») propre au cinéma, est ici piétiné avec soin par Jacques Doillon, qui nous torture avec des personnages qui passent leur temps à expliquer ce qu’ils font, ce qu’ils pensent, ce qu’ils ressentent. A quoi bon faire un film si c’est pour ne même pas essayer de laisser parler les images ?
Le résultat est long, lent, pathétique, et très loin de la force évocatrice, de la puissance des travaux de l’homme auquel ce film prétend rendre hommage. Pour moi, ce film, loin d’être un hommage, est une insulte à Auguste Rodin.
Avec l’art de la sculpture, et le langage cinématographique, il y avait tellement de possibilités pour créer un film sensoriel, sensuel, palpable ! A la place, nous nous retrouvons avec un biopic à mourir d’ennui, devant lequel on peut au moins rire pour ne pas pleurer. Quelques moments de poésie trop rares et trop brefs ne parviennent pas à empêcher le film d’être d’une médiocrité catastrophique.
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On pourrait croire que faire un film sur un artiste qui a marqué de sa poigne nue l’Histoire de l’Art, serait la meilleure manière de créer une œuvre cinématographique pleine d’art et de vie. Rodin est la preuve du contraire. N’allez pas le voir, et réservez plutôt votre argent pour visiter le musée éponyme à Paris. Là, vous pourrez vibrer.