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Portrait d’Art délit cas

Portrait  d’Art délit cas

Après dix-sept ans de vie à la capitale, ce jeune graffeur est contraint de déménager dans la campagne corrézienne. Il vit très mal ce changement ; il nous raconte pourquoi mieux vaut être à Paris quand on est graffeur vandale. Petit à petit, se profile face à moi une personnalité fondée sur la culture urbaine, le rap et surtout le graffiti, en parallèle d’un cursus étudiant. Nous nous rencontrons dans un kebab de cette petite ville où ses parents ont élu domicile, et qui ne regorge qu’à peine 55 000 habitants. Nous échangeons sur qui il est, il me révèle qu’il graffe au nom d’FSK.

 

La vie parisienne à l’origine de ses pratiques

L’ascension de son père au sein de sa carrière implique de nombreux déménagements dans différents quartiers parisiens. Les quartiers s’avérant de plus en plus populaire, jusqu’à l’ âge de 10 ans, il loge dans le 17e, puis le 20e  . De façon à ce qu’il découvre toute sorte de paysages et de milieux urbains. C’est à ce moment là qu’il rencontre la réalité de l’art de rue à travers le mouvement Hip Hop. La capitale détient en abondance cet univers artistique qui prend source dans la rue, ainsi très vite il aborde le monde de la culture urbaine en général. Sensible à la musique, il arpente d’abord l’univers musical du Rock’n’Roll. Puis, vers dix ans il se plaît à écouter du rap. Comme son frère aîné demeure aussi dans cette même longueur d’ondes où le Graff et le rap s’entremêlent, il ne tarde pas à discerner les codes du street art. Il commence à écrire aux alentours de ses treize/quatorze ans. Pour le graffiti, il l’exerce depuis ces seize ans. Forcément, en Corrèze la concurrence se fait plus rare.

Du vandalisme à l’état

Il me raconte : « Quand j’ai commencé à faire du Graff, je le faisais légalement c’est à dire dans des terrains vagues. Mais le souci, c’est que dans ces terrains mon graff ne restait pas, il se faisait repasser rapidement par d’autres graffeurs. » Surtout à Paris, où le milieu du graff est assez compétitif. « Un jour, par curiosité, j’ai commencé à peindre un camion. La dose d’adrénaline engendrée par mon acte ainsi que le fait de recroiser le camion en question dans Paris, m’a convaincu que le graffiti était du vandalisme avant d’être de l’art ».

Si l’Etat n’épargne par ces peintures murales, c’est qu’elles sont considérées comme une dégradation, suscitant alors un coût de réparation-dédommagement. Et pourtant, lui justifie le graff vandal comme étant un moyen d’expression.
« Par exemple, dans le métro une multitude de publicités nous est imposée. Quand tu graffes, t’imposes ta pub de la même manière. » Et ce que va poser un graffeur correspond généralement à son blaze ou à celui de son crew.

Concrètement, sur le terrain

En général, ils s’y prennent aussi bien à plusieurs que tout seul. Ensuite, soit ils travaillent le même tag, par exemple il y en a un qui s’occupe de la typographie et l’autre effectue le remplissage. Ou alors, chacun fait son graff. Tout dépend du temps, du spot, et des bombes qu’ils ont à disposition sur le moment. Sur Paris, ils étaient trois à poser le blaze FSK. Désormais, il est seul parmi les trois à continuer avec ce blaze, aujourd’hui accompagné d’un ami rencontré en Corrèze. Ils repèrent les spot de jour, et graffent de nuit, éclairés pas les lampadaires. Il parle d’ « adrénaline », en effet tout se joue dans la rapidité nécessitant une certaine performance. Quand il peint, il est près de la surface et ne peut visualiser le rendu. C’est seulement une fois le travail fini qu’il peut découvrir son oeuvre, ou pas.

Du graff à l’écriture

Le Graff est lié au rap et selon lui, ce sont des manières différentes d’utiliser la beauté des lettres. Soit deux manières de s’exprimer ; le rap est un moyen de se faire comprendre par autrui comparé au graffiti qui est quelque chose de plus secret car risqué. En revanche, les risques de ces pratiques diffèrent ; contrairement au rap, le Graff vandale est illégal, donc réprimé fortement par la loi. De sorte que pour lui, le rap est plus abordable, s’est donné à tout le monde comparé au graffiti qui s’avère être un moyen d’expression plus dangereux .  » Le rap, il suffit de parler, faut- il encore bien le faire. Il y a pour moi beaucoup trop de blabla et d’égocentrisme dans certains rap. Le graffiti apporte l’action qui complète ma démarche du rap qui est plus morale. » En tout cas, lui s’exerce dans ces deux disciplines aussi sur du papier.

Le rap est l’une des musiques qui parle le plus, elle est sa manière à lui de retranscrire sa réalité, d’y mettre des mots. Lorsqu’il est arrivé en Corrèze, il rencontre un ami à qui il va transmettre sa passion. Petit à petit, un « crew » de quatre garçons se forment, chacun écrivant ses textes. Entre improvisation et démonstration, ils recherchent à faire des Open Mic, balancent des freestyles sur les réseaux sociaux. L’autre jour, ils ont reçu l’invitation à une radio locale réunissant de nombreux rappeurs.

Une pratique marginale qui le conscientise

L’ascension est beaucoup plus probable pour un rappeur que pour un graffeur. Le graffiti induit une dimension anti-système. Il me dit qu’il veut privilégier ses études au graff/rap. Son actuel statut d’étudiant représente pour lui un moyen de se mettre à l’abri et surtout, de se cultiver. Il est en sociologie et il conçoit ses études comme une aide, pour percevoir et comprendre les choses, tout simplement.

 

Lexique
Blaze : pseudo, patronyme
Crew : une équipe
Open Mic : évènement réunissant plusieurs rappeurs se succédant à leur guise au microphone
Freestyle : liberté orale-vocale pour un rappeur de lâcher ouvertement ses textes
Spot : lieu

Adelie 2 janvier 2017 Adelie, Portraits, Reportages

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