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‘Syndrome Ian’ de Christian Rizzo : review de la COP

‘Syndrome Ian’ de Christian Rizzo : review de la COP

La Classe d’Orientation et Préparation – COP pour les intimes –, c’est une année de formation un peu à part, au sein de la CinéFabrique. On s’y initie à de multiples pratiques artistiques, liées ou non à l’audiovisuel, mais c’est surtout une année d’ouverture et de découvertes culturelles. C’est ainsi que douze élèves, plus ou moins enthousiastes ou réticents, se sont retrouvés un jeudi soir à l’Opéra de Lyon, pour assister à une représentation de syndrome ian, un ballet contemporain du chorégraphe Christian Rizzo, dans le cadre de la Biennale de la Danse. Ressentis, impressions, critiques : compte-rendu de l’expédition.

avant-propos : quelques mots sur le chorégraphe

Christian Rizzo est un chorégraphe actif depuis le début des années 90. C’est aussi un artiste visuel et plasticien : ses créations mêlent allègrement la danse, le stylisme, la musique, les arts plastiques… La scénographie, notamment l’utilisation des lumières, prend toujours une place prépondérante dans ses créations chorégraphiques.

Le ballet syndrome ian est le troisième volet d’une trilogie, dans laquelle il explore le lien entre danse savante et danse populaire – ici, le clubbing. Le ballet confronte deux mouvances opposées de l’époque fin ‘70s début 80’s : le disco et le post-punk. Le nom du ballet est une référence à Ian Curtis, chanteur principal du groupe Joy Division, connu pour son style de danse dite ‘‘épileptique’’.

le ballet : retour à chaud et à froid

Le rideau s’ouvre sur une scène plongée dans la pénombre. Au fond, des points lumineux, comme des constellations. Blottis les uns contre les autres au centre de la scène, les danseurs tanguent, doucement, au rythme sourd d’une musique qui s’installe avec la même douceur. Ils portent tous un haut blanc et un pantalon noir. Une seule exception : dans un coin de la scène, une figure vêtue de longues franges noires, sans visage, immobile, comme une menace, un symbole de mort. Elle se meut avec une telle lenteur que, paradoxalement, on ne se rend qu’elle a bougé que lorsqu’elle a disparu…

Peu à peu, comme une cellule, le groupe se scinde, lentement, en deux nouvelles entités, puis quatre… des couples, des trios se font, se défont, les corps s’appellent, s’enlacent, s’éloignent, en silence. Une atmosphère de langueur cotonneuse s’installe : loin du clubbing et des boîtes de nuits, on croirait assister à une naissance, à un rêve. Des nappes de basses et de synthés enveloppent tout comme une couverture, douillette mais en même temps oppressante. Le temps se distend, le moment dure une éternité.

Dans ce prologue on retrouve déjà tous les éléments qui font syndrome ian. Une atmosphère onirique et contemplative, des danseurs qui sont autant d’électrons libres épars qu’une sorte d’entité unique, faite de rythme et de musique – à l’exception de cette silhouette détachée du groupe, qui disparaît dès lors qu’on la quitte des yeux. On n’est pas encore entré dans la thématique du clubbing, mais ça arrive : peu à peu le rythme se fait plus présent, plus insistant ; la danse s’accélère, la scène devient la piste de danse d’une boîte de nuit, les constellations deviennent néons. La suite du ballet est un crescendo chorégraphique et musical, de plus en plus effréné, vers l’apothéose finale.

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Le concept initial de syndrome ian est assez simple, et pourtant c’est un ballet que j’ai ressenti comme assez… brouillon. Les silhouettes noires (car oui, il n’y en a pas qu’une, j’y reviendrai ensuite) portent une symbolique très forte – la mauvaise augure, la mort… –, à un tel point qu’on en perd de vue ce qu’elles sont censées, réellement, représenter : la mouvance post-punk (les autres danseurs étant le disco). Ainsi le moment où elles dansent à leur tour devient très déstabilisant, d’autant que les différences de chorégraphie entre disco et post punk sont assez subtiles, et peu évidentes à remarquer – surtout sans connaître le thème du ballet.

En dehors du prologue où l’on pouvait vraiment ressentir une réelle énergie qui connectait les danseurs les uns aux autres, il y avait très – trop ? – peu de moments où ils se rejoignaient. Pendant une grande partie du ballet on observe des électrons libres qui papillonnent çà et là sur scène, en rythme, mais pas ensemble ; et selon moi ça participe à cette sensation de confusion que j’ai ressentie. Christian Rizzo n’a pas su éviter l’écueil d’une danse répétitive, voire un peu lassante, comme peut le devenir le clubbing, surtout sur une scène d’opéra devant des spectateurs.

Cela dit, il a su installer une réelle atmosphère qui m’a énormément plue. Par le biais de la musique, des néons, de la fumée, des silhouettes noires, on est plongés dans une ambiance à la fois poétique et malsaine, quasi horrifique par certains moments – à la manière de certains classiques filmiques du genre, comme Suspiria de Dario Argento ou encore, plus récent, The Neon Demon de Nicolas Winding Refn. J’ai été réellement happée et c’est pour moi l’un des aspects les plus réussis du ballet.

Malgré tout, ce que j’ai préféré, c’est le passage de la transition entre new wave et post punk. On voit ce duo féminin qui reprend encore et encore la même chorégraphie, tandis que les silhouettes noires apparaissent une à une progressivement, et les entourent petit à petit, comme une menace qui se rapproche et devient de plus en plus aigue… excellent. En spectatrice avisée, je surveillais bien la silhouette noire depuis le début, ne manquant aucun de ses aller-retours ; je ne m’attendais absolument pas à en voir apparaître une deuxième, et j’ai vraiment eu la chair de poule – dans le bon sens du terme.

ce qu’en a pensé la COP

Globalement, les retours des COPeurs, collectés directement à la sortie du ballet et pendant la semaine suivante, sont assez mitigés.

Julien, Marième et Billel reprochent son opacité au ballet, le jugeant trop difficile à interpréter ; tandis que d’autres comme Margot ou Tiphaine se sont plus laissés porter par l’émotion de l’instant et leurs interprétations personnelles. Trade recommande la brochure explicative, qui lui a permis de mieux comprendre les intentions du chorégraphe.

La bande-son, en revanche, fait la quasi-unanimité, contrairement à la scénographie lumière qui en a laissé certains perplexes quand à son utilité. Si quelques uns comme Adélie ou Lug n’ont vraiment pas été convaincus par la chorégraphie – trop basique, pas assez de réelle performance de danseurs –, la plupart l’ont appréciée, dénonçant malgré tout la lenteur et surtout le côté ‘‘répétitif’’ du ballet.

Environ un tiers des élèves n’étaient pas du tout familiarisés à la danse contemporaine avant de découvrir ce ballet : en dehors de Chakib, qui dit avoir été ‘‘agréablement surpris’’ et captivé, les autres avouent ne pas avoir été ‘‘transcendés’’ ; Simon a trouvé que beaucoup de clichés de la danse contemporaine étaient confirmés, même s’il a trouvé l’expérience intéressante. Pour Dylan, ‘‘ça peut aller’’, sans plus.

syndrome ian, pour conclure

Un ballet avec une atmosphère prenante et travaillée, qui ne laisse pas indifférent à défaut de faire l’unanimité. On ne le recommanderai pas forcément aux néophytes, parce que son rythme très contemplatif et sa narration assez floue peuvent rebuter. Cela dit, personne dans la classe ne regrette l’expérience, et ne serait-ce que pour le travail sur l’ambiance et l’atmosphère, elle vaut la peine d’être tentée.

syndrome ian : oui, pourquoi pas !

Alice 5 décembre 2016 Alice, Sorties

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